Pixel Life Stories

“ LUMI IMAGINARE “

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LUMI IMAGINARE

“AUX PAYS DE L’IMAGINAIRE”

 

Lumi Imaginare est une exposition internationale organisée en collaboration avec l’Institut Français et le Goethe-Institut de Roumanie, à l’occasion de la Bucharest Gaming Week 2021. De manière à éclairer le processus de conception des imaginaires de jeux vidéo, l’exposition se propose de vous faire découvrir la phase de concept art de l’industrie vidéoludique. En effet, on peut s’interroger sur la façon dont travaillent les artistes de cette industrie culturelle et créative pour instaurer une direction artistique forte et originale, capable de ravir les joueurs et joueuses du monde entier. C’est pourquoi Lumi Imaginare vous invite à apprécier un ensemble de peintures conceptuelles produites par des studios issus de trois pays différents (la France, l’Allemagne et la Roumanie), des concept arts qui témoignent des recherches en design opérées par des artistes de talent afin de mettre au monde leurs univers de jeux. Chaque oeuvre exposée est accompagnée par une analyse de direction artistique, ainsi que par une note d’intention de l’artiste qui décrypte ses choix en matière de style, de design, de composition ou encore de processus créatif. “Aux pays de l’imaginaire ” comprend enfin un espace découverte qui invite le public à tester les jeux présentés, ainsi qu’une zone de projection vidéo pour initier les visiteurs au sujet du concept art. Une exposition commissarisée par Marine Macq, directrice de la galerie d’art Pixel Life Stories.

 
 

Mettre au monde un univers de jeu


 
 
 

le Concept art de jeu vidéo

“Lorsque débute la création d’un jeu vidéo, les membres du studio qui la portent n’ont généralement aucune idée de ce à quoi elle va ressembler. Leur visibilité se limite tout au plus à quelques images mentales et à la formulation d’une intention créative. Mais alors, comment et à travers qui s’opère la métamorphose d’une idée abstraite en un univers de jeu étendu ? La réponse à cette question nous invite invariablement à considérer le rôle du concept artist qui, en l’espace de quelques décennies à peine, s’est imposé comme un acteur incontournable dans le paysage des industries culturelles contemporaines. Un acteur dont l’avant-poste le place au cœur de la fabrique des imaginaires…

Il est vrai, un concept artist n’est pas seulement un dessinateur de talent, il est aussi et surtout un explorateur d’idées au service de l’industrie du divertissement. Ce dernier intervient dès la phase embryonnaire de la conception d’une oeuvre et accompagne un studio de développement dans la formalisation graphiques de ses idées, afin qu’elles s’épanouissent à l’écran dans toute leur force expressive. Guidé par un directeur artistique dont il reçoit ses instructions, le concept artist a alors pour mission principale de traduire des concepts (ludiques, narratifs et esthétiques) - via la construction de représentations graphiques très particulières : les concept arts !

Il s’agit là d’images conceptuelles qui aident à la prévisualisation d’un univers imaginaire, et dont les formes incarnent une idée, une notion, une situation ou une émotion. Une fois validées, elles sont aussitôt transmises aux équipes de production en charge de leur modélisation. C’est donc à travers les images du concept artist que sont posées les fondations visuelles d’un jeu vidéo, depuis ses environnements et personnages jusqu’à ses scènes narratives clefs. Ces représentations viennent fréquemment tapisser les murs des studios dans une farandole de formes et de couleurs pour guider tout à chacun dans la même direction artistique ! ” 

Marine Macq, commissaire d’exposition

Galerie Pixel Life Stories

Vidéo d’ouverture de l’exposition “Lumi Imaginare” réalisée par Marine Macq.

 
 
 

 
 
 

La sélection française


 

NOVA-BOX

Connaissez-vous l’histoire d’Alice, celle dont la vie tout entière bascule suite à la découverte d’un mystérieux vinyle aux propriétés magiques ? Across the Grooves est le dernier roman graphique interactif signé Nova-box, un studio bordelais spécialisé dans le visual novel depuis 2013. Produisant des jeux narratifs ancrés dans un réel distordu, Nova-box emprunte à la grammaire cinématographique et à celle de la bande dessinée franco-belge pour bousculer les codes d’un genre longtemps dominé par les productions japonaises. Leur appropriation du medium vidéoludique au service d’oeuvres intimes et expérimentales les place dans une filiation revendiquée avec la Nouvelle Vague du cinéma français en général, celui de Claude Chabrol en particulier. Avec l’assistance de l’illustratrice Mélanie Ertaud, le directeur artistique Nicolas Fouqué opte ici pour un style graphique impressif dont la colorimétrie évolue selon les choix narratifs des joueurs et joueuses. Leur voyage documentaire à travers quelques capitales européennes leur ont permis de récolter le matériau photographique nécessaire pour crédibiliser le récit magique du scénariste Geoffroy Vincens.

© 2021 Marine Macq - Pixel Life Stories

 
 
 

Le mot de l’artiste

Pour cette image qui apparait à la toute fin du récit, nous voulions évoquer la transcendence de notre personnage principal, Alice, qui passe pour ainsi dire de l’autre côté du miroir. Les influences esthétiques sont multiples. D’une part bien sûr, le surréalisme avec la juxtaposition de différents éléments visuels dans des échelles très déformées. Et d’autre part, l’iconographie astronomique de la Renaissance dans ses représentations symboliques du système solaire. Notre illustration fait référence au texte de la “musique des sphères”, quoi qu’ici les planètes soient représentées sous la forme de disques vinyles, tels des univers sonores à explorer. Le dynamisme de la composition est apporté par le mouvement du personnage qui plonge comme dans un océan musical, les vaguelettes provoquées par la collision générant des cercles concentriques qui évoquent les sillons d’un disque vinyle.
— Nicolas Fouqué, Art Director, Across The Grooves. Nova-box studio.
 
 

 
 
 

asobo studio

 

Affiné en région bordelaise, le dernier cru d’Asobo Studio surprend la scène vidéoludique française en 2019 par l’envergure de sa proposition. A Plague Tale : Innocence est un jeu à l’allure de conte noir qui mêle aventure et investigation sur fond de réalité historique. Il narre en effet le parcours tragique de deux orphelins, Amicia et Hugo De Rune, en proie aux fléaux de l’Inquisition et de la peste noire au Moyen Age. Si le jeu n’est pas un documentaire sur la guerre de Cent Ans, le studio a néanmoins puisé dans la grande histoire et celle plus régionale pour construire son univers et sa narration. Pilotée par Olivier Ponsonnet, la direction artistique d’A Plague Tale revendique des inspirations dont on imagine difficilement la rencontre ailleurs que dans le jeu vidéo. Il est vrai, l’artiste français imagine un univers visuel romantique tout droit inspiré par le classicisme pictural de Claude Lorrain (1600-1682), Johannes Vermeer (1632-1675) et Rembrandt (1606-1669). Il revendique néanmoins des références esthétiques plus contemporaines aptes à souligner l’horreur, à l’exemple des plasticiens Zdzisław Beksiński (1929-2005) et Hans Ruedi Giger (1940-2014). Il en résulte une œuvre authentique, les variations de style guidant naturellement la lecture des paysages par les joueurs et les joueuses.

© 2021 Marine Macq - Pixel Life Stories

 
 

Le mot de l’artiste

Le but de cette image était de dépeindre un moment ordinaire mettant en scène nos deux personnages principaux, Hugo et Amicia, frère et sœur, aux abords du domaine familial. Nous sommes baignés dans une lumière chaude. Les poses des protagonistes sont simples, une forme de candeur s’en dégage. La palette de couleurs et l’éclairage doré de fin de journée sont empruntés aux peintures classiques du 17ème siècle dans lesquelles transparait cette douceur irréelle teintée de mélancolie. À ce romantisme apparent s’oppose une forme d’inquiétude : la silhouette sombre de l’arbre au premier plan occupe une part importante de l’image. Sa présence modifie le ratio perçu de la composition : le format devient plus carré, plus étroit, presque oppressant. Il perturbe la lecture naturelle de l’image : l’œil du spectateur ne peut s’évader naturellement vers l’avant et se heurte à cette obscurité. Un peu comme nos personnages face à l’adversité qui les attend.
— Olivier Ponsonnet, Art Director, A Plague Tale: Innocence. Asobo Studio
 
 

 

la belles games

 

Afin de célébrer l’écrivaine Mary Shelley et le bicentenaire de son roman gothique Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818), le studio La Belle Games a choisi d’en produire une adaptation interactive éponyme. Il nous propose ainsi d’incarner la célèbre créature du scientifique Frankenstein, un être sans mémoire ni famille, dans sa quête d’identité propre. Comment mettre en images sa découverte du monde et de lui-même ? La direction artistique de Charles Boury est précisément conçue pour traduire l’évolution intérieure du personnage : la mise en couleur des environnements du jeu simule symboliquement les effets d’une peinture à l’eau sur une toile vierge, tandis que leurs teintes varient selon la nature de ses sentiments complexes. De part le travail de caméra et d’échelle de composition, l’installation d’une esthétique du sublime permet de souligner la profonde solitude de la créature et sa petitesse face aux forces de la nature. L’équipe artistique a bien entendu étudié les adaptations cinématographiques et illustrées de Frankenstein (Bernie Wrightson, James Whale) avant de s’en éloigner, Charles Boury puisant successivement dans les peintures paysagistes allemandes et françaises de Friedrich, Corot, Robert, Deshayes, ou encore dans les merveilleuses illustrations de Gustave Doré et Alan Lee.

© 2021 Marine Macq - Pixel Life Stories

 
 
 

Le mot de l’artiste

La scène du lac est un moment narratif clé dans notre jeu. Il s’agit du seul moment où l’on emprunte aux images connues et attendues du mythe pop de Frankenstein, celles d’un monstre effrayant. Le développement graphique de cette séquence nous a amené à choisir une représentation très précise de la créature : plusieurs visages ont été esquissés avant d’arriver au résultat final, un mélange subtil entre les portraits de l’artiste peintre Francis Bacon et ceux du dessinateur Bernie Wrightson. Pourtant, un portrait deviné au travers des reflets de l’eau était encore trop précis pour nous qui refusions le penchant macabre des autres oeuvres ancrées dans l’imaginaire collectif. Nous avons donc finalement opté pour la représentation horrifique d’un crâne, symbole de la mort. Remplissant tout l’écran, il apparait au joueur, le surprend et le submerge.
— Charles Boury, Art Director, The Wanderer : Frankenstein’s creature. La Belle Games Studio
 
 

 
 
 

Swing swing submarine

 

Seasons After Fall est un jeu de plateformes produit par le studio Swing Swing Submarine. Au cœur d’une forêt féerique, le joueur incarne un renard qui détient le « pouvoir des saisons », une capacité magique lui permettant de modifier à sa guise le cours du temps. L’animal circule ainsi de saison en saison tandis que tout autour de lui l’environnement se transforme, tant d’un point de vue plastique que mécanique. L’oeuvre répond alors à une configuration spatiale particulière que nous qualifions d’esthétique « biomique » : ce terme regroupe les environnements virtuels dont l’organisation spatiale et ludique simule les lois physiques qui régissent le monde réel pour constituer autant d’écosystèmes esthétiques. Le directeur artistique et concept artist Géraud Soulié s’est ici inspiré des peintres impressionnistes français pour bâtir un univers graphique propre à chaque saison, ses concept arts d’environnement déclinant des palettes riches et vibrantes. Il a également emprunté le langage formel de concept artists américains de renom tels Eyvind Earle (La Belle au bois dormant, Disney, 1959), notamment dans la stylisation des arbres qui servent de plateformes aux joueurs et joueuses.

© 2021 Marine Macq - Pixel Life Stories

 
 

Le mot de l’artiste

Mon intention derrière cette image était principalement d’allier la couleur et la matière d’une peinture traditionnelle au concept de “forêt”, tout en hiérarchisant mes informations. Les coups de brosses énergiques et apparents mettent eux-mêmes en scène la richesse d’une ballade en forêt : on y présente la facette sauvage du lieu mais aussi l’accueil chaleureux qu’il peut évoquer. Nous ne souhaitions pas pousser le niveau de détails trop loin pour conserver cet aspet ‘rough’ dans le traitement des textures. Aussi, bien que je commence généralement une oeuvre en noir et blanc pour installer ma composition, j’ai ici directement introduit la couleur à grands coups de pinceau jusqu’à définir l’ambiance escomptée. En gérant les masses, les formes et la lumière de ma composition, j’ai créé quelques zones de respiration. J’ai enfin ajouté notre renard, le personnage principal du jeu, pour compléter la composition et ajouter un focus à l’image.
— Géraud Soulié, Art Director, Seasons after fall. Swing Swing Submarine studio
 
 

 

spiders studio

 

Nous sommes au 17ème siècle. Surpeuplé, le « Vieux Monde » jadis florissant est gangrené par la pollution et la peste dite La Malichor, jugée incurable. Mais alors que le continent se meurt et perd tout espoir, des murmures content la légende de créatures mythologiques peuplant Teer Fradee, une île mystérieusement épargnée par la maladie. Dans ce jeu de rôle signé Spiders, GreedFall s’appuie sur les récits de grands explorateurs pour construire son œuvre fantastique. En adéquation avec la période historique représentée, le directeur artistique et concept artist Cyril Tahmassebi fait le choix d’un univers graphique baroque qui rend hommage aux maîtres et peintres du Siècle d’or, dont il est profondément amoureux. Imprégnés de la chaleur d’une palette automnale, les visuels du jeu respirent ainsi les grands espaces et nous invitent à réenchanter notre regard sur la nature et le monde. Le processus de création du studio les conduira à visiter simultanément les collections des Musées du Louvre et du Quai Branly pour étoffer leurs recherches sur la lumière et les habitants de Teer Fradee. De même, les équipes artistiques investiront l’Atelier de costumes parisien des Vertugadins (théâtre et reconstitutions historiques) pour concevoir le style vestimentaire de leurs personnages.

© 2021 Marine Macq - Pixel Life Stories

 
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Le mot de l’artiste

L’une des premières étapes dans le développement de GreedFall a été de bâtir les fondations visuelles de notre univers pour mieux s’y projeter, celui-ci mêlant grands espaces et cultures variées. Cette image est ainsi l’une des premières à avoir été produite et pose immédiatement le caractère romantique de la scène : elle dévoile un monde ancient et decrépit qui offre néanmoins une lueur d’espoir à l’horizon, promesse d’un monde nouveau à explorer. Les maîtres peintres du 17ème siècle sont une des références incontournables dans l’installation de notre direction artistique. J’ai en effet emprunté la technique du clair-obscur, chère à Rembrandt, tout en utilisant une dominante dorée propre au Siècle d’or dont nous nous sommes également inspirés. La composition de l’image fait enfin échos à l’esthétique du sublime, le personnage nous tournant le dos pour contempler une nature en ruines.
— Cyril Tahmassebi, Art Director, GreedFall. Spiders studio.
 

Le vernissage en images !

Pour aller plus loin…